A l'occasion de la nouvelle exposition de la galerie Schleiper, nous proposons une présentation à la manière d'un tour d'horizon du contexte artistique de la décennie concernée.

À la fin de l'époque de prospérité que l'on appelle les Trente Glorieuses débutent les années 70.

La scène artistique hétérogène de cette décennie se décline en mouvements nettement polarisés. D'un côté, on distingue les artistes attachés à la figuration, explorant notamment le réalisme sous de nouvelles formes. De l'autre, on retrouve des préoccupations délaissant l'abstraction plus expressive des années 50 et 60, pour une abstraction minimale plus conceptuelle, plus radicale, attachée à l'anti-narrativité ainsi qu'à une opposition viscérale à l'expression de toute forme de sentiment.

Figuration

Les années 70 voient l'avènement de l'Hyperréalisme. Ce terme popularisé par le galeriste belge Isy Brachot en 1973 réunit des artistes s'employant à créer des oeuvres figuratives plus vraies que nature. Aboutissement d'un travail minutieux et dont l'esthétique dérive du photoréalisme, l'hyperréalisme écarte émotion ou éléments narratifs. Les artistes hyperréalistes ne dénoncent rien et éliminent toute valeur narrative de leurs oeuvres. Leur travail sonde la représentation du réel dans ses plus infîmes détails.

En parallèle, le Nouveau Réalisme, lui, rassemble des artistes dans leur ambition commune d'appropriation descriptive du réel à la manière d'un naturaliste, sans y apposer la distorsion d'un idéal ou d'une interprétation. Les objets usuels constituent des sujets de prédilection pour les Nouveaux Réalistes et les matériaux quotidiens deviennent des mediums en soi.

Autre mouvement, la Nouvelle Subjectivité doit son nom au conservateur et historien de l'art Jean Clair qui l'inventa lors d'une exposition de 1976 au Musée National d'Art moderne du Centre Pompidou. Elle rassemble des artistes rejetant tous l'abstraction et le conceptualisme de l'art moderne. Leurs points communs ? Une revalorisation du 'métier' d'artiste et de peintre, remettant les motifs (paysages, athmosphères, portraits, objets) au centre de leurs préoccupations et privilégiant les techniques traditionnelles (huile, pastel, acrylique).

Enfin, la fin des années 70 accueille les trublions de la Bad Painting. Cette approche anti-conventionnelle de la peinture est axée sur une valorisation de la sous-culture et formule une critique de la société médiatique. Elle emprunte à l'art urbain (pochoirs, graffitis, affiches) ainsi qu'à la contre-culture (punk) et exprime son rejet des conventions intellectuelles de l'art contemporain. De facture volontairement grossières et bâclées, les oeuvres de la Bad Painting prennent le contre-pied de 'ce qui se fait'. La Bad Painting se veut résolument narrative et expressive.

Abstraction

Plusieurs mouvements font coïncider leurs préoccupations en matière d'abstraction en ce début des années 70.

Les membres de Support-Surface, réunis au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris en 1970 bannissent les moyens picturaux traditionnels en explorant la pratique de la peinture et ses éléments constitutifs élémentaires. Leur recherche s'oriente autour de la question de la limite de l'art comme illusion. L'objet de la peinture réside en la peinture elle-même, sans affect et sans référence autre qu'à elle-même. Le tableau n'a, pour eux, aucun message à délivrer et représente uniquement sa propre réalité matérielle. Support-Surface explore de ce fait la toile, les mediums et les formes, à l'aide d'outils variés, dont notamment les pochoirs, les pistolets, les ciseaux, les éponges ou les tampons. Les procédés se multiplient : empreintes, pliages, aplats de couleur ou trempage.

Les années 70 voient également l'avènement d'une Abstraction de type minimaliste. Cette non-figuration minimaliste consacre un abandon progressif de l'abstraction plus expressive. Cet art anti-lyrique, anti-narratif privilégie une facture tendant à une grande simplification formelle, à un dépouillement accentuant l'opposition à toute forme de sentiment et de toute forme de subjectivité.

Enfin, à côté d'un recherche orientée vers le minimalisme, la décennie voit également l'émergence d'un mouvement, à New York, appelé Pattern Painting ou New Decoration sous la houlette du peintre R.R. Zakantich et de l'artiste féministe Miriam Shapiro. Cette peinture à structure répétitive eut pour ambition de rendre ses lettres de noblesse à un lyrisme «  décoratif  ». Le Pattern Painting renoue en cela avec la tradition artisanale du quilting, de la mosaïque, du tapis ou encore des papiers peints. En alliant une complexité de la composition à une exubérance des couleurs, ce mouvement rompt avec la culture minimaliste alors dominante pour revenir aux sources de l'abstraction lyrique.

— Texte : Hélène Lecocq

Bibliographie

• Michel Draguet, Chronologie de l'art du XXe siècle, Flammarion, 2006
• Françoise Hamon et Philippe Dagen, Histoire de l'Art – Epoque contemporaine XIXe – XXe siècles, Flammarion, 2003
• https://www.contemporain.com/art/
• https://www.centrepompidou.fr/
• https://www.aparences.net/art-contemporain/mouvements/nouveau-realisme/
• https://www.artforum.com/print/197709/issues-in-pattern-painting-37260
• https://www.museemaillol.com/expositions/hyperrealisme/
• https://www.guide-artistique.com/histoire-art/hyperrealisme/
• https://blog.artsper.com/fr/la-minute-arty/petite-histoire-de-lart-abstrait/
• https://initiation.histoiredelart.info/mouvement/bad-painting
• https://www.studiointernational.com/with-pleasure-pattern-and-decoration-in-american-art-1972-1985-review-css-bard-new-york
• https://comment7.wordpress.com/tag/nouvelle-subjectivite/